dimanche 27 février 2011

Quelle Bretagne ?

Charles Edouard Houlier Guibert,animateur du blog Communication&Territoires et professeur de gestion à l'Université de Rouen, a produit une analyse du discours des médias nationaux sur la Bretagne dans les 4 jours qui ont suivi le lancement de la marque Bretagne.
Il met en évidence la difficulté de changer une image, surtout lorsque celle ci est bien ancrée dans l'imaginaire collectif comme peut l'être celle de la Bretagne. Ce qui m'amène d'ailleurs à m'interroger sur le fait de construire une image à partir de la perception de son territoire. En interrogeant les Bretons sur la Bretagne, ils n'auront pas la même idée que les Bourguignons (pour ne pas citer les Parisiens). Or ceux qu'il faut convaincre ce ne sont peut être pas les Bretons, mais les autres ... Débat à suivre et à argumenter. Car une belle marque de territoire s'appuie essentiellement sur ses propres habitants pour convaincre les autres... Mais la partie que j'ai trouvé la plus intéressante dans l'article de Mr Houlier Guibert est la conclusion qui formule une interrogation que je souhaitais partager sans avoir eu le temps de bien la formuler. Je le cite : D’autant qu’il est intéressant d’observer que la marque Bretagne se positionne comme un label récupérable par tout type d’acteurs locaux et prend ainsi la même place que la marque déjà existante « Produit en Bretagne », née d’initiatives privées qui durent depuis 1993. Ce label présent sur plus de 3000 produits alimentaires ou culturels connaît de bons scores : 96% de notoriété en Bretagne en 2010 ; de 21% à 49% de 2008 à 2010 en Ile-de-France. Certes, c’est un lobbying qui est axé sur une dimension commerciale et identitaire, là où la nouvelle marque Bretagne est une initiative publique à vocation identitaire d’abord. Mais c’est bien l’agence de développement économique qui porte cette marque, ce qui témoigne de la vocation économique de ce nouvel outil en plus de l’accompagnement identitaire. L’ensemble des acteurs locaux se sont regroupés derrière cette nouvelle marque (Conseil régional du tourisme, Conseils généraux…) mais l’on peut déjà s’interroger sur un doublon entre initiatives publique et privée, la première étant peut-être orientée vers une communication institutionnelle et la seconde vers une communication produit. Produit en Bretagne est devenu en 15 ans un vrai signe de reconnaissance pour les consommateurs, pour des produits fabriqués en Bretagne(l'association prend pour frontières la Bretagne historique, y incluant donc la Loire-Atlantique), selon des règles d’éthique et de qualité. De nombreux consommateurs lui font confiance dans leurs achats. L'ambition économique et les valeurs de solidarité mises en avant par Produit en Bretagne en font une héritière du CELIB, le Comité d'étude et de liaisons des intérêts bretons. Fondé en 1950, l’organisme a regroupé au-delà des clivages politiques toutes les forces vives de la Bretagne et connu son apogée au milieu des années 1960. Pour une défense des intérêts bretons « transcendant les intérêts singuliers », il regroupait à cette époque l’ensemble des parlementaires bretons, les conseils généraux, 1 200 communes dont les maires des grandes villes bretonnes, l’ensemble des syndicats ouvriers (CGT, CFDT, FO, CFTC), les organisations patronales, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres des métiers, les universités et les associations de défense de la culture et de la langue bretonne. Ce « lobby breton » a obtenu de nombreux aménagements (le Plan Routier Breton par exemple) et est à l'origine du processus de régionalisation en France. Comment le Conseil Régional, avec toute la force de frappe qu'il peut mettre en œuvre, va-t-il développer cette synergie ? Comment Nantes et Rennes, qui sont toutes deux en train de travailler sur leurs marques respectives vont-elles faire passer leurs singularités alors qu'elles viennent juste de comprendre qu'elles ne peuvent exister au niveau européen qu'en s'unissant ? Comment Saint Nazaire avec son "Audacity" développée en anglais pour s'adresser au territoire français, va-t-elle renouer avec ses racines bretonnes ?